𝗖𝗼𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗿𝗲𝗰𝘂𝗲𝗶𝗹𝗹𝗲-𝘁-𝗼𝗻 𝘂𝗻𝗲 𝗵𝗶𝘀𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲 𝘁𝗿𝗮𝘂𝗺𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 ? Bessel van der Kolk
En 1985, j'ai commencé à collaborer avec la psychiatre Judith Herman, nous partagions un intérêt pour la manière dont le ' traumatisme ' avait affecté la vie de nos patients !
Nous étions frappés par le fait que beaucoup de malades chez qui on avait diagnostiqué un ' trouble de la personnalité borderline ', nous rapportaient des choses horribles vécues pendant leur enfance !
Le ' trouble de la personnalité borderline ' est marqué par :
- des relations envahissantes et (ou) instables,
- des sauts d'humeur extrêmes
- un comportement autodestructeur,
- par de l'automutilation,
- ou des idées, ou tentatives de suicide répétées...
Pour savoir, s'il y avait un rapport entre le ' traumatisme infantile ' et le ' trouble de la personnalité borderline ', nous avons élaboré une étude scientifique et envoyé une demande d'aide aux institutions nationales de la santé - qui a été rejetée !
Nous avons avons trouvé un allié en la personne, du directeur de l'hôpital de Cambridge, il avait recueilli beaucoup de données précieuses à ce sujet, mais n'avait pas fait de recherches sur la liaison possible sur la maltraitance et la négligence infantiles !
Tout en ne cachant pas son scepticisme, il nous a laissé interroger 55 patients, et ainsi, comparer nos résultats avec les éléments de la grande base de données qu'il avait crée.
La première question que nous nous sommes posée était :
Comment recueille-t-on une histoire traumatique ?
On ne pouvait pas demander à un patient de but en blanc : vous a-t-on maltraité quand vous étiez enfant ? ou Étiez-vous battu par votre père ?
Qui confierait une information aussi sensible à un inconnu ?
Sachant que tout le monde a honte de parler de ce qu'il a subi à titre traumatique, alors, nous avons conçu un support plus adapté pour nous aider dans nos interviews : le questionnaire sur les antécédents traumatiques !
Il commençait par une série de questions simples :
- Où viviez-vous et avec qui ?
- Qui paye les factures ?
- Qui fait la cuisine et le ménage ?
Peu à peu, nous passions à des questions plus révélatrices :
- Sur qui reposez-vous dans la vie quotidienne ? (par exemple, quand vous êtes malades, qui fait vos courses ou vous conduit chez le médecin ?)
- À qui parlez-vous quand vous êtes bouleversé ? (en d'autres termes : qui vous apporte un soutien affectif ?)
Certains patients m'ont donné des réponses étonnantes : Mon chien, mon thérapeute, le mur ou personne !
Nous posions ensuite des questions du même ordre portant sur leur enfance :
- Qui habitait dans votre foyer ?
- Combien de fois avez-vous déménagé ?
- Quelle est la personne qui s'occupait le plus de vous quand vous étiez bébé ?
Beaucoup de gens ont cité des déménagements fréquents qui les obligeaient à changer d'école en milieu d'année. Certains avaient des parents qui avaient été en prison, où placés en hôpital psychiatrique ou s'étaient enrôlés dans l'armée. D'autres avaient multiplié les familles d'accueil ou vécu chez d'autres membres de la branche familiale (grands-parents, tantes, oncles...)
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La partie suivante du questionnaire avait trait aux relations qu'ils avaient eues dans leurs enfances :
- Qui, dans votre famille, était affectueux avec vous ?
- Qui vous traitait avec une tendresse particulière ?
C'était suivi par une question cruciale - encore jamais posée, à ma connaissance, dans une étude scientifique :
Y avait-il, dans votre entourage, quelqu'un avec qui vous vous sentiez en sécurité ?
Parmi les patients que nous avions interrogés, un sur quatre ne se souvenait d'aucun proche qui répondait à ce critère !
Imaginez-vous, que vous n'ayez eu personne pour vous rassurer quand vous étiez enfant, que vous avez dû vous frayer un chemin sans aucune protection dans la vie...
Les questions se poursuivaient...
- Qui fixait les règles et faisait respecter la discipline à la maison ?
- Comment vos parents, vous corrigeaient-ils ? (en vous parlant, en vous grondant, en vous frappant, en vous enfermant ?)
- Comment vos parents réglaient-ils leurs propres différends entre eux ?
À ce stade, en général, les langues se délies et beaucoup, de nos patients s'offraient à des informations spontanées.
La plupart de nos patients, n'avaient pas pu se sauver parce qu'ils n'avaient eu personne vers qui se tourner, et parfois, ni aucun endroit où se réfugier. Certains, ont été abandonné du jour au lendemain sans savoir pourquoi, il n'y avait plus personnes à la maison; d'autres au vu des choses (des actes de viols, de meurtres) dans leurs fratries...
Pourtant, ils avaient dû trouver un moyen de surmonter leur terreur et leur désespoir !
Certains, sans doute, allient à l'école le lendemain (** comme moi) en tâchant de faire comme si rien n'était !?
Judy et moi avons compris que leurs problèmes de ' trouble de la personnalité borderline ', étaient :
- une dissociation,
- un attachement désespéré à quiconque pouvait les aider - avaient peut-être été, au départ, des défenses face à des émotions bouleversantes et à une violence inévitable !
Pour conclure : 81% des patients chez qui l'hôpital de Cambridge avait diagnostiqué un ' trouble de la personnalité borderline nous avaient rapporté un passé de grave maltraitance et/ ou de négligence infantile; dans la vaste majorité, les sévices avaient débuté avant l'âge de sept ans !
Cette découverte était particulièrement importante parce qu'elle suggérait que l'impact de la maltraitance dépend, au moins en partie, de l'âge auquel elle commence !
Quand des enfants se sentent en permanence coupable ou/et en colère, ou lorsqu'ils ont une peur chronique d'être abandonnés, ces sentiments viennent d'une expérience réelle ! Par exemple, s'ils craignent qu'on les abandonne, ce n'est pas une réaction à des pulsions homicides intrinsèques, mais plutôt parce qu'on les a abandonnés physiquement ou psychologiquement, ou qu'on les a souvent menacés. Quand des enfants sont toujours pleins de rage, cela vient souvent d'un rejet ou de mauvais traitements. Si leur colère les plonge dans un conflit intérieure intense, c'est peut-être bien parce que l'exprimer est interdit, voire dangereux - John Bowlby
Bowlby avait remarqué que, lorsque des enfants doivent exclure de leur mémoire des expériences fortes, cela crée de graves problèmes, parmi lesquels :
- une méfiance chronique envers autrui,
- l'inhibition de leur curiosité,
- un manque de confiance envers leurs propres sens,
- et une tendance à trouver chaque chose irréelle !
Notre étude nous a conduits à réfléchir non seulement à l'impact des événements horribles autour duquel se centre le diagnostic à propos du syndrome de stress post-traumatique, mais aussi des effets à long terme de la violence et de la négligence parentales !
Sources : Bessel van der Kolk
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Eddy Vonck
Rédacteur bénévole de Psycho'Logiques




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